Dans la trame de la sérigraphie d'art avec l'Atelier Les Mains Sales
Le lundi 22 février 2016 à 16h09
L'affiche du 43e Festival d'Angoulême : du lavis original réalisé par Otomo, au tirage en sérigraphie par l'Atelier Les Mains Sales. Interview des sérigraphes.
Le Festival d'Angoulême a confié à l'Atelier Les Mains Sales la délicate tâche de traduire le visuel de la 43e édition – l'extraordinaire lavis réalisé par Katsuhiro Otomo - en 50 sérigraphies numérotées qui furent signées dans l'espace Cultura. Un processus qui a demandé de dompter le médium sérigraphie pour l’amener vers le rendu nuancé de la peinture originale. Thomas Dervieux et Nicolas Olivier, les sérigraphes qui ont principalement travaillé sur l'estampe d'Otomo, et leurs collègues de l'atelier -Geoffrey Betoulle et Geoffrey Grimal, nous racontent cette expérience “peu ordinaire” dans une interview.
En janvier dernier vous avez réalisé un travail peu ordinaire : le tirage en sérigraphie de l’affiche du Festival dessinée par Katsuhiro Otomo. Comment avez-vous réagi à cette demande ? Avez-vous l’habitude de ce type de projet ?
Atelier Les Mains Sales : Nous étions très honorés de nous voir confier ce tirage. D’une part en travaillant pour la première fois en collaboration avec le Festival international de la Bande Dessinée d’Angoulême nos voisins depuis quelques années et d’autre part en rencontrant l’œuvre de Katsuhiro Otomo d’aussi près.
Œuvre qui a résonné chez nous, parce que depuis plusieurs années nous interrogeons le médium sérigraphie sur le «pictural», ce tirage nous a donc permis de défier notre pratique dans cette voie qui nous est chère.
Quel était le défi technique d’un travail de ce genre ? Quel était le passage le plus délicat ?
ALMS : L’original est un lavis, une technique d’aquarelle, la difficulté a été de l’aborder de la même manière, l’élaborer en suivant le cheminement du peintre, à savoir réserver les blancs et faire monter les gris par fines couches transparentes, l’art du glacis en somme.
Il faut garder à l’esprit que la sérigraphie est une technique inscrite dans la grande famille du pochoir, elle demande synthèse et par conséquent ne permet pas vraiment la nuance (c.f. les «Marilyn» d’Andy WARHOL). Il a donc fallu dompter le médium pour l’amener vers ce rendu riche et nuancé. Par respect des profondeurs de teintes et du geste de Katsuhiro Otomo, nous avons utilisé la trame de diffusion, très incertaine face aux trames mécaniques, mais bien loin du rendu industriel qui n’avait aucune place dans cette estampe.
La sérigraphie d’art telle qu’on la pratique à l’atelier des Mains Sales, est à l’opposé de la reprographie. Nous avons à cœur pour chaque estampe d’accorder notre manière d’imprimer au processus de création de l’artiste ou de l’auteur. Le point le plus délicat du tirage s’est situé sur notre interprétation de son lavis original, car nous n’étions pas en relation directe avec le maître, il a fallu être solides et confiants dans nos choix.
Combien de temps et de tests vous a pris ce tirage ?
LMS : Entre l’analyse, la séparation des couleurs, les nombreux essais de trames, le rigoureux travail de laboratoire, la recherche de la palette, le choix du papier, les 9 passages d’encre, la visite d’épreuves, le packaging et la destruction des outils pour garantir la série limitée, deux sérigraphes d’art se sont engagés dans une belle aventure de plus de 250 heures où 200 feuilles ont été utilisées pour en garder 60 (50 estampes numérotées et signées, 5 épreuves d’artistes et 5 hors commerce pour l’archive d’atelier).
Vous avez suivi la signature des sérigraphies par Katsuhiro Otomo. Avez-vous pu échanger avec l’auteur sur votre travail et le rendu ? Quel effet ça vous a fait de voir ces sérigraphies entre ses mains ?
LMS : Les 2 heures de signature aux côtés de Katsuhiro Otomo, accompagné d’un traducteur, nous ont permis d’obtenir un bref retour sur les estampes réalisées. De cette rencontre quelque peu impudique, car mise en scène devant des journalistes et autres fans, est ressorti qu’il était impressionné par le résultat, une transposition tout aussi intéressante que son travail au pinceau, il a remarqué aussi le soin apporté au choix du papier. Une nouvelle expérience d’estampe ensemble nous laisse rêver.
Après un classique échange de cartes de visite, nous espérons, par son intermédiaire, entrer en contact avec des confrères japonais, sérigraphes d’art et passionnés d’estampes. Pourvu que sa venue condensée et intense ne lui fasse pas oublier notre requête.
Vous pouvez regarder ici la vidéo de l'Atelier
qui témoigne du tirage en sérigraphie de l'affiche du FIBD
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