Hugo Pratt, rencontres et passages
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Voici vingt ans que l’auteur qui aura, peut-être, le plus introduit la littérature dans une œuvre de bande dessinée nous a quittés. Cette influence adossée à un appétit de lecture et de livres pantagruélique (n’avait-il pas chez lui 30 000 bouquins de toute nature ?) était bien souvent perceptible dans sa création à travers l’identité de ses personnages et, parfois même, par des références très directes: combien de fois Corto n’a-t-il pas un livre entre les mains ou ne rapporte-t-il pas une citation littéraire qui éclaire ses choix de vie ? À l’heure où le marin maltais ressuscite pour connaître de nouvelles aventures, il apparaît plus que jamais intéressant de revenir aux sources de son inoubliable créateur qui s’exprimait, on ne peut plus clairement, sur certaines de ses influences : « Dans la littérature (...), ce qui me touche le plus, c’est la poésie, parce qu’elle est synthétique et qu’elle procède par images. Et comme la poésie, la bande dessinée est un monde d’images. Vous êtes obligé en permanence de conjuguer deux codes et par conséquent deux mondes. Un univers immédiat par l’image et un monde transmis par la parole.»
L’exposition présentée par le 43e Festival international de la bande dessinée et créée par le Musée Hergé (dans lequel elle est visible en ce moment même à Louvain-la-Neuve), en synergie avec Patrizia Zanotti, met précisément en avant cette thématique majeure de l’œuvre du Vénitien de génie. Les visiteurs du Festival sont invités à un tour d’horizon de l’univers d’Hugo Pratt et à découvrir comment l’auteur italien a façonné son œuvre par un contact de tous les instants avec de nombreuses formes de littérature. Les influences de Pratt, ses préoccupations esthétiques, mais aussi les rencontres déterminantes qu’il fit au cours d’une carrière longue de près de 50 ans, sont présentées en lien avec ses originaux: dessins de recherche, planches en noir et blanc et en couleur, aquarelles, couvertures de revues... Des créations exceptionnelles, parmi lesquelles se retrouvent des planches et des dessins qui comptent parmi les plus célèbres d’Hugo Pratt. Cette approche littéraire inédite permet aussi de mettre en avant le fait que la vie et le travail de Pratt sont intimement liés, se répondant sans cesse pour produire son chef d’œuvre ultime, Corto Maltese. Un personnage à la fois solitaire et connecté au monde, notamment par l’intérêt qu’il porte à des lectures universelles qui reflètent à merveille le caractère cosmopolite et la curiosité de son créateur, ainsi que la tentation permanente du voyage qui l’animait. Comme Corto, Pratt ignorait les frontières et les obscurantismes. Il se passionnait pour les cultures du monde sans souci de distinction ni de hiérarchie, mêlant dans son imaginaire de l’écrit et du dessin les aventures terrestres à des rêveries échappant à toute topographie, à toute logique cartésienne pour devenir... des fables.
Les propos de Pratt qui composent les textes de l’exposition, issus de livres et entretiens publiés à différentes époques, attestent de tout cela. Lorsque l’auteur convoque pêle-mêle les influences de Kipling, Stevenson, Yeats, London, Rimbaud, Borges ou même Shakespeare, ce sont autant de références qui se retrouvent dans cette œuvre irriguée de cultures et de lumière.
Espace Franquin, salle Iribe
Production : Musée Hergé / 9eArt+
Commissariat : Patrizia Zanotti et Sophie Tchang
Coordination : Maria-Grazia Lacidogna