Actu du Fauve- La bande dessinée et le marché de l'art
Le mercredi 22 avril 2015 à 15h40
Collectionneurs et investisseurs s'arrachent les planches originales et dessins inédits des auteurs renommés et des nouveaux talents. Rencontre à la Galerie Glénat à Angoulême.
Et les cotes atteignent parfois des records. Interview de Julien Brugeas, responsable de la galerie Glénat, qui s'était délocalisée à Angoulême le temps du dernier Festival.
Que représente la bande dessinée, sur le marché de l'art contemporain ?
Julien Brugeas : Ça fait une dizaine d'années que les originaux de BD représentent un marché important dans l'Art : on vend aux collectionneurs, et de plus en plus aux investisseurs. Le marché de la BD est très productif, et grâce à la croissance du nombre d'albums, il y a mathématiquement une hausse de la production d'originaux, et donc pour nous beaucoup plus de choix qu'avant. Mais il y a aussi de plus en plus d'auteurs qui travaillent en numérique, et pour le coup ça ne marche pas pour nous, puisqu’on a besoin d'originaux papier !
Mais le marché s'élargit, il y a de plus en plus d'investisseurs, et des prix qui s'envolent dans les ventes aux enchères.
Qu'est-ce qui va décider du prix d'un original ?
Julien Brugeas : Cela dépend de la notoriété de l'auteur, les prix les plus élevés correspondent souvent à des succès de librairie. Ensuite, il y a la qualité du trait, le talent. Certains collectionneurs apprécient des artistes qui ne sont pas encore connus, ou avant qu'ils soient connus. Pour Mezzo qui est à l’honneur cette année, les collectionneurs n'ont pas attendu le succès public pour voir qu'il dessinait excessivement bien.
Qu'est-ce qui va faire qu'un auteur se retrouve exposé en galerie d'art ?
Julien Brugeas : Je vais aller le chercher pour la qualité artistique de son travail. C'est ce qui prime pour moi. D'autres galeristes fonctionnent au prix de vente...
Ici, nous sommes dans la galerie Glénat, mais on ne fait pas que des dessinateurs Glénat. Nous proposons des planches d’artistes célèbres, avec des cotes très élevées, mais aussi des dessinateurs plus jeunes qui ont du succès.
Je considère que la galerie est un outil pour faire connaître les auteurs. Quand j'expose une œuvre d'un artiste peu connu, une partie du public va découvrir cet artiste. C'est difficile à quantifier, mais cela fait forcément la promotion de l'artiste. Parfois, ça permet d'avoir un coup de projecteur médiatique sur son travail. Parfois, ça permet aussi d'interroger les éditeurs. S'ils ont dans leur catalogue tel artiste que l'on expose, mais qu'ils n'ont pas beaucoup investi sur lui, ils reconsidèrent leurs choix. On est aussi là pour ça, pour faire connaître les petits. A contrario, quand on fait une expo avec un très grand, on lui propose de faire un travail différent, inédit. Des toiles, ou des tapisseries, par exemple. Le but n'est pas le même.
Pourquoi choisir d'exposer la planche 14 d'un album plutôt que la planche 23 ? Quels sont les critères de sélection ?
Julien Brugeas : L'esthétique et l'équilibre de la planche. Dans un album, il y a des planches plus narratives que d'autres. Si c'est une planche avec uniquement des dialogues, et des personnages en champ/contrechamp, il n'y pas grand-chose qui se passe, ce n'est pas très intéressant. Généralement, on sélectionne les planches sur lesquelles il y a un gros travail de dessin, de narration. Souvent, ce sont des planches de présentation ou d'action.
Qui sont les acheteurs ?
Julien Brugeas : Un peu tout le monde. Il y a d'abord les passionnées de BD, une clientèle que l'on connaît depuis 15 ou 20 ans, ce sont les collectionneurs. Certains ont leurs auteurs fétiches, et leurs sont très fidèles.
Il y a aussi les investisseurs. Ce sont des gens de toutes nationalités. Souvent ils s'intéressent à la BD, mais parfois non... Ce qui les intéresse, eux, ce sont les cotes. Parmi eux, on distingue deux catégories : ceux qui ne jurent que par les galeries (et qui privilégient donc des cotes stables), et ceux qui préfèrent les ventes aux enchères (avec ses éventuels accidents dans les deux sens).
Et plus récemment sont arrivés les acheteurs occasionnels. Ce sont des gens qui parfois ne sont pas particulièrement fans de BD, mais qui entrent dans la galerie parce qu'ils considèrent que la BD, c'est de l'art au même titre que la sculpture ou la peinture. Eux cherchent plutôt un coup de cœur, un grand dessin à acheter pour décorer un intérieur. C'est aussi pour eux, et pour les gens qui n'ont pas l'habitude d'entrer dans une galerie d'art que l'on a décidé de faire cette galerie « hors les murs » pendant le temps du Festival. Il y a beaucoup de gens qui aimeraient acheter des originaux, des dessins de jeunes artistes peu connus, mais qui malheureusement ne se font pas confiance. Ils ont besoin d'être confirmés dans leurs choix. Je les encourage à se faire plaisir : si les originaux d'un jeune artiste peu connu vus plaisent, n'attendez pas qu'il soit connu pour les acheter !
Combien se vend une planche en moyenne ?
Julien Brugeas : Lors du festival d'Angoulême, les prix des œuvres affichées dans la galerie Glénat commençaient à 200 euros. Beaucoup tournaient autour de quelques centaines ou quelques milliers d'euros. Certaines œuvres allaient bien au-delà : 42 000 euros pour une tapisserie Salammbô de Druillet, 47 000 pour une planche de Froid Équateur d'Enki Bilal, et un immense et vertigineux dessin « Babel Bruegel » revisité de Boucq, à 150 000 euros.
Des chiffres impressionnants, mais bien loin du dernier record : 2,5 millions d'euro pour la couverture de L’Étoile Mystérieuse de Tintin.
Pour en savoir plus visitez leur site internet www.galerie-glenat.com.
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