Les Conseils du Jury aux “futurs” Jeunes Talents

Le mercredi 25 février 2015 à 11h49

Lundi 2 décembre 2013 a eu lieu le jury de sélection des Jeunes Talents 2014, dont la présidente était Marion Montaigne. Nous en avons profité pour interviewer les membres de ce Jury, pour en savoir un peu plus sur leurs choix et les conseils qu’ils donneraient aux participants de prochaines éditions.

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Nous avons rassemblé les interviews de Estelle Dumesnil (directrice artistique du groupe Steinkis éditions), Antoine Guillot (journaliste et critique sur France Culture), Julien Magnani (éditeur Magnani éditions) et Alexandre Phalippou (rédacteur en chef adjoint du Huffington Post).

Nous en avons profité pour leur demander : qu’est-ce qui fait une bonne bande dessinée ? Quels sont leurs critères de choix ? Qu’est-ce qu’ils ont apprécié le plus dans les planches visionnées ?

Estelle Dumesnil, directrice artistique du groupe Steinkis éditions

Tout d'abord, c'est impressionnant et appréciable de voir l'engouement des auteurs en herbe pour ce concours. Cette profusion de projets montre que le monde de la bande dessinée fascine toujours autant ! J'ai beaucoup aimé la diversité et la qualité des projets proposés.

Dans un premier temps, c'est ma sensibilité qui a guidé mes choix. J'ai privilégié les projets avec une bonne qualité scénaristique et graphique. Je me suis donc attardé sur des projets qui ont réussi à m'émouvoir et me transporter dans l'univers créé par l'auteur.

Pour élaborer un bon projet, il faut un scénario bien construit, un dessin à la fois spontané et maîtrisé, une belle mise en couleurs, et surtout être suffisamment original pour capter l'attention des lecteurs toujours à la recherche de nouveauté.

L'auteur doit réussir à faire voyager à travers les planches proposées en lui transmettant un maximum d'émotions. Chaque auteur doit rester lui-même, se nourrir de ce qui existe sans plagier, afin de construire progressivement son propre style et son propre univers.

 

Antoine Guillot, journaliste et critique sur France Culture

Ce que j’ai apprécié dans les planches visionnées est leur diversité, aussi bien dans les techniques, les modes de narration et les genres abordés.

Quelles sont les qualités que vous avez primées ?

Antoine Guillot : La maîtrise du médium ; les tentatives d'en explorer, voire d'en repousser les possibilités ; l'originalité du propos et des moyens ; la prise de risque ; l'adéquation entre le graphisme et le projet ; et le fait de proposer quelque chose qui ne pourrait exister qu'en bande dessinée.

Vous avez des conseils à donner aux futurs participants ?

Antoine Guillot : Soyez vous-mêmes ! N'essayez pas de faire comme les autres, mais trouvez votre voie, votre voix et votre langage propre, indépendamment de votre maîtrise graphique. Racontez votre histoire comme si vous étiez le seul à pouvoir le faire...

 

Julien Magnani, éditeur Magnani éditions

Ce qui est important dans le prix Jeunes Talents, c’est effectivement de sentir un petit peu les mouvements tectoniques avant le séisme, de sentir quand le sol est en train de trembler, quand il y a véritablement quelque chose de moderne qui est en train de se mettre en place. Il s’agit de trouver quelque chose de moderne, quelque chose qui n’a pas déjà été fait. Le problème dans la bande dessinée, aujourd’hui, c’est la consanguinité. C’est-à-dire qu’elle est en circuit fermé et qu’elle répète éternellement les mêmes codes, les mêmes grammaires de la séquence, de l’image, de la narration… et dans le Jury Jeune Talent je trouve qu’il faut avoir des choix prophétiques. Je trouve qu’il faut précéder ce qui va se passer, ce qui va renouveler la bande dessinée, ce qui va l’enrichir. C’est aussi pour moi, encourager d’autres plus tard à s’y mettre, plutôt que de faire quelque chose qui va progressivement stagner, lasser, pourrir. Donc je trouve que le Jury Jeune Talent c’est vraiment mettre du sang neuf et privilégier la recherche, l’audace et encore une fois l’exploration.

C’est-à-dire pas forcément des planches abouties, mais plutôt sur un talent à venir ?

Julien Magnani : Si, généralement, il y aura toujours un côté matériau brut, car ce sont des gens qui sont très jeunes, qui sont amenés à changer et à mûrir de plus en plus, mais il faut que ce soit réussi. Il ne faut pas que ce soit un brouillon et il ne faut pas être complaisant. Il faut être exigeant, mais là, de toute façon, même en étant exigeant, il y a des choses vraiment brillantes et excellentes qu’on distingue quand même assez vite.

 

Alexandre Phalippou, rédacteur en chef adjoint du Huffington Post

Qu’est-ce que vous avez apprécié dans les planches visionnées ?

Alexandre Phalippou : La variété bien sûr. Sur les 400 projets, le choix a été rude et plusieurs dizaines de projets ont passé le premier tour de sélection, preuve qu’il y avait suffisamment de diversité pour que chaque membre du Jury ait ses coups de cœur. Je n’ai pas senti de style trop représenté, d’imitations à répétition de tel ou tel auteur à la mode. Chaque candidat a joué le jeu en présentant un projet personnel, avec un style bien à lui. Chaque projet nous amenait dans son univers avec, malheureusement, trop peu de temps à consacrer à chacun d’entre eux.

Quelles sont les qualités que vous avez primées ?

Alexandre Phalippou : Les 20 projets sélectionnés et les 3 primés ont été de véritables coups de cœur du Jury. Les discussions ont été âpres, chacun voulant défendre son propre coup de cœur. Cela prouve une chose: que les projets ont touché directement aux tripes des membres du Jury. Qu’il passionne ou divise, c’est le signe que chaque projet primé était honnête et entier, sans chercher à concilier les goûts. C’est de l’eau chaude qui a été primée, pas de l’eau tiède. Le réalisme, ou la qualité purement technique du dessin n’a pas été un critère de choix en revanche. Un dessin très simple, s’il colle parfaitement à l’histoire, sera toujours mieux récompensé que le dessin parfaitement exécuté, mais sans âme. Je crois que le Jury a privilégié le ressenti sur la narration et la technique pure.

Vous avez des conseils à donner aux futurs participants ?

Alexandre Phalippou : Quelques conseils de bon sens. D’abord, numéroter ses pages. C’est tout bête, mais cela permet d’éviter que des pages soient inversées. Sur 400 projets de 3 pages étalés dans une salle, cela peut arriver… Inutile non plus de faire 3 pages si 1 ou 2 pages suffisent à l’histoire que l’on a en tête. Le nombre de pages n’a absolument pas été un critère dans le choix du jury. Mais le plus important reste de proposer un travail personnel. Imaginez une grande salle, une gigantesque table de réunion et, étalée dessus, 100 projets de 3 pages. Et une petite dizaine de minutes pour sélectionner les projets que l’on souhaite voir au tour suivant… Pour sortir du lot, il faut proposer quelque chose de différent. Qui choque, intrigue, étonne, renverse, voire même rebute ! Le plus important est que l’œil ne « glisse » pas sur le projet et donne envie de le revoir pour se faire un avis, pour le lire plus attentivement.

Nous remercions le Jury pour les interviews. Cette fois, vous-voilà bien préparés et inspirés pour la prochaine édition du Concours Jeunes Talents !

 

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