Jérémie Moreau nous dévoile la scénographie du Pavillon Jeunes Talents©

Le mardi 24 février 2015 à 12h01

Premier prix du Concours Jeunes Talents© 2012, Jérémie Moreau a été désigné pour être le décorateur du Pavillon Jeunes Talents©. Interview.

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Grand lauréat du Concours Jeunes Talents© 2012, Jérémie Moreau avait déjà remporté le Concours Caisse d’Epargne A l’Ecole de la BD en 2005. Depuis sa distinction, Jérémie a publié l'album « Le Singe de Hartlepool » (Ed. Delcourt) sur scénario de Wilfrid Lupano, qui figure dans la Sélection Officielle de la 40ème édition du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême. Retour sur sa carrière depuis le concours, ses projets actuels et futurs.

 

Tu as été lauréat l’année dernière du concours Jeunes Talents. Qu’est-ce que cela a changé pour toi ?
Jérémie Moreau : J’ai le souvenir de m’être dit, après avoir gagné le Grand Prix du Concours de la BD Scolaire, qu’à part une grande satisfaction personnelle, le prix en lui-même n’avait rien changé de réellement concret.
Le concours Jeunes Talents, je pense que c’est différent. Peut être parce qu’il est plus près de la vie professionnelle. Je ne crois pas qu’il ait profondément changé mon avenir, mais je sens qu’il participe à créer une “aura”, “l’aura du jeune talent”. Dans la tête d’un éditeur, d’un journaliste ou d’un lecteur, ça joue un rôle essentiel, car immédiatement ils se disent “ah il faut faire attention à celui-là”. Et en ce sens, se balader avec un projecteur “jeune talent” sur la tronche est forcément un atout.

En tant que grand lauréat, tu as été invité à réaliser l’affiche et illustrer le Pavillon Jeunes Talents© pour cette 40ème édition du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême. C’est un travail très différent de la bande dessinée, comment as-tu abordé le projet ? D’où t’es venue l’inspiration ?
J.M : Ça n’a pas été facile. La grosse différence avec la bande dessinée c’est la narration. Dans une bande dessinée, chaque image s’inscrit dans une narration, et donc se révèle de façon évidente dans ce qu’elle doit faire avancer dans l’histoire. Pour ce travail de décoration du Pavillon, je ne pouvais pas m’accrocher à une narration, chaque image devant représenter un espace du pavillon (buvette, rencontre, conférence, atelier numérique etc.) tout en s’inscrivant dans une cohérence visuelle qui englobe l’affiche, les bâches extérieures, le catalogue et j’en oublie. En gros il faut créer une identité visuelle sans histoire. Voilà tout mon problème.
Alors j’ai  repris le personnage de ma bd lauréate et je l’ai érigé en divinité mégalomane de son subconscient délirant. Disons que ça m’a permis de développer une profusion de personnages carnavalesque, des foules multicolores qui peuvent faire office de papier peint (les bâches extérieures), qui peuvent s’amonceler en véritable architecture (comme dans la buvette), qui prennent directement la forme d’objet (comme la clé USB de l’atelier numérique) de manière à reconstituer un monde grotesque, en hyper mouvement, et en perpétuelle mutation.

Voilà mon Pavillon Jeunes Talents©, un théâtre de profusion hallucinée.

Comment s’est passée la collaboration avec la scénographe professionnelle ? Le rapport au lieu ?
J.M : Malheureusement j’ai été assez occupé et on n’a pas pu se voir. On a uniquement échangé par mail. Il faut savoir que la marge de manœuvre scénographique est assez limitée, car le plan du Pavillon est sensiblement le même tous les ans. Il n’y a que les dessins et les couleurs des murs qui changent. J’ai d’abord fait l’affiche, et Élodie Descoubes, la scénographe, m’a proposé de garder la gamme colorée de mon illustration pour les murs des différents espaces.
Pour le moment je n’ai travaillé que sur mon écran et je ne me rends pas encore compte de ce que tout ça va donner en grand. C’est une première pour moi. J’ai hâte de voir ça.

Peux-tu nous révéler déjà quelques visuels et anecdotes sur cet espace ?
J.M : J’ai un vrai goût artistique pour les foules… je m’en rends de plus en plus compte. Cela me vient certainement de peintres que je vénère comme James Ensor, Bruegel ou Goya.
J’ai choisi de travailler en aplat de couleur pour pouvoir vectoriser mes images et les agrandir à l’infini pour l’impression (de plusieurs mètres pour certaines).
J’ai eu le malheur de travailler en RVB, (le système de couleur pour écran), et de baser une grande partie de mon panel coloré autour d’une couleur (un bleu particulier) qui n’existe pas en CMJN (mode de couleur pour impression). Je me demande encore ce que ça va donner…

Que prévois-tu de faire, de voir à Angoulême en janvier prochain ?
J.M : Beaucoup de dédicaces, faire des rencontres, prendre des photos du Pavillon Jeunes Talents© et peut-être bien discuter de mon prochain projet de BD avec mon éditeur.

Comment as-tu vécu cette nomination dans la sélection officielle du festival ?
J.M : Depuis un an, je vis une période extrêmement faste. Comme dans un processus de cause à effet, un succès en appelle un autre, si bien que je saute de petit nuage en petit nuage. Ma BD avec Wilfrid Lupano sortie en septembre marche très bien. Elle est sélectionnée pour le prix des libraires. On vient de recevoir le bdgest’art du premier album. La troisième réimpression de la BD vient d’être lancée… C’est au-delà de tout ce que j’imaginais. Alors la sélection pour Angoulême c’est la cerise sur le gâteau. Pour un enfant qui a fait les concours d’Angoulême tous les ans depuis l’âge de 8 ans, je prends la nomination comme un signe de bienvenue chez les adultes.

Quelle est la suite de tes projets ?
J.M : J’ai mis de l’argent de côté en travaillant pour des projets d’animation depuis quelques années. Alors aujourd’hui je prévois de travailler à plein temps pendant un an et demi exclusivement pour la BD. J’ai écrit un scénario et je suis en train de monter le dossier pour le présenter à mon éditeur.
Ce sera un dyptique en noir et blanc de deux fois 150 pages qui se proposera de suivre les jeunes années d’un joueur de tennis invaincu… personnage contradictoire à l’allure de Pierrot mélancolique et pourtant propulsé comme tennisman ultra-performant par une société assoiffée de victoire…
Graphiquement, je quitte les maîtres anglais qui m’avaient servi d’inspiration pour « Le Singe de Hartlepool » (Ed. Delcourt), et je me tourne vers un graphisme au pinceau qui, idéalement, se situerait à mi-chemin entre Hokusai, Winsor McCay et Munoz. Je dis bien idéalement hein, c’est juste pour donner une idée, mais bien loin de moi l’idée de me hisser ne serait-ce qu’aux chevilles de l’un d’entre eux.

[Les 2 tomes de Max Winson sont sortis aux Editions Délcourt en 2014. En 2015 le tome 2 apparait dans la Sélection Officielle du 42e Festival de la Bande Dessinée d'Angoulême]

BONUS : Les œuvres de Jérémie Moreau à lire sur BD Jeune Création :

Le Suicidaire Altruiste
Participation au Concours Jeunes Talents 2008

Participation au Concours Jeunes Talents 2009
Participation au Concours de la BD Scolaire