Les Moomins de la Finlande au Festival d'Angoulême : interview du commissaire d'expo Stéphane Duval
Le lundi 19 janvier 2015 à 16h29
« Il y a tous les ingrédients des contes de fées mêlés aux romans d’aventures avec le talent d’écriture et de dessin de Tove Jansson. » Entretien avec Stéphane Duval autour de l'exposition « Le Monde Magique des Moomins ».
La Vallée des Moomins et ses habitants arrivent enfin à Angoulême : l'exposition produite en collaboration avec la Cité mettra en avant l'apport de Tove Jannson dans l'histoire de la bande dessinée. Stéphane Duval, le commissaire d'expo, nous raconte le secret de longévité de cette « adorable et cruelle » série finlandaise.
Les Moomins, c'est également une série BD, un roman jeunesse, et plusieurs films d'animation. Sur quels aspects se concentre l'exposition ? De quelles œuvres est-elle composée en particulier ?
Stéphane Duval : Le but de l’exposition est de mettre en avant l’apport de Tove Jansson dans l’histoire de la bande dessinée, sans pour autant faire l’impasse sur les autres facettes de l’artiste en présentant notamment des illustrations réalisées pour les romans des Moomins. Malheureusement une grande partie des strips originaux ont disparu. Nous avons tout de même réussi à en trouver quelques-uns ainsi que des originaux magnifiques, comme les études de personnages préliminaires à la réalisation des BD. Nous présenterons également des illustrations couleur, des objets, etc. C’est assez compliqué d’obtenir des originaux de Tove Jansson car la majeure partie de la collection est exposée au Musée Moomin de Tampere en Finlande et pour le reste ils circulent énormément, principalement au Japon, pays qui voue un véritable culte aux Moomins. Heureusement les Moomins characters qui gèrent les droits patrimoniaux de Tove Jansson ont également une belle collection d’originaux qui ont rarement été présentés et qu’ils ont généreusement mis à disposition de la Cité.
Les formes et l'univers des Moomins : qu'est-ce que vous avez choisi de reproduire dans l'exposition ? Quels sont les grands thèmes de l'exposition ?
S.D. : L’exposition vise à mieux faire connaître l’œuvre et ses multiples facettes, son discours universel et singulier à la fois. Les Moomins s’adressent vraiment à tous les publics, les romans sont plus adaptés aux enfants alors que la BD elle, emprunte d’humour noir, est plus à même de toucher un public adulte.
Quel rôle avez-vous assigné à la scénographie pour mettre en scène ce monde magique ?
S.D. : Elle a été pensée de manière ludique, originale et colorée, avec un parcours enfant et un adulte. Les textes ont été écrits par Jean-Pierre Mercier et Jean-Philippe Martin de la Cité Internationale de la Bande Dessinée et de l'Image.
On ne peut pas parler des Moomins sans nommer la Vallée des Moomins, ce lieu presque mythique où le clan « d’hippopotames albinos, droits et sans bouche » habite. En quoi ce lieu est-il important ?
S.D. : La Vallée des Moomins c’est ce monde magique à la fois inquiétant et rassurant qu’on a tous rêvés de découvrir enfants, peuplées de créatures fantastiques et où l’aventure, le mystère et le tragique nous attendent à chaque coin de bois. Il y a tous les ingrédients des contes de fées mêlés aux romans d’aventures avec le talent d’écriture et de dessin de Tove Jansson. La peur de la fin du monde est également présente à travers le fil d’Ariane qu’est la comète qu’on retrouve dans deux histoires en bande dessinées et dans le roman La Comète Arrive.
Cette année c'est le centenaire dès la naissance de Tove Jansson, également peintre et romancière. Est-ce que cette exposition mettra l'accent aussi sur sa personnalité étonnante ?
S.D. : Nous présentons quelques tableaux abstraits de Tove et bien sûr nous évoquerons sa personnalité et ses rapports avec son frère Lars, mais l’exposition est surtout axée sur la présentation de la Vallée des Moomins et de ses habitants avec comme point central la bande dessinée, car nous sommes avant tout au Musée de la bande dessinée et que le lancement de l’exposition se fait pendant le Festival.
Comment avez-vous géré les contacts avec la famille de Tove Jansson pour organiser l'exposition ?
S.D. : Nous avons bénéficié de la bienveillance des Moomins Characters représentés par la nièce de Tove, la francophile Sofia Jansson et par Roleff Krakstrom, tout au long du processus de réalisation de cette exposition qui est une opportunité unique pour redécouvrir ce joyau de la littérature jeunesse et de la bande dessinée finlandaise.
Quelles sont les œuvres qu'on peut considérer « incontournables » pour les fans des Moomins ? Qu'est-ce qui continue à séduire le public dans ce strip, qui fête ses 70 ans de création, à votre avis ?
S.D. : Avant tout les Moomins se défendent d’être des hippopotames, si vous croisez Papa Moomin gardez-vous bien de lui faire cette remarque il pourrait très mal le prendre.
Les œuvres majeures en BD ? Je dirai le premier volume que nous avons publié sous le titre Moomin et les Brigands et qui a obtenu le prix du Patrimoine au Festival d’Angoulême en 2008. Le film Moomin sur la riviera qui sortira en février est une adaptation d’une des histoires de Moomin et les Brigands. Tove Jansson a adapté son roman jeunesse sous forme de strips à la demande du quotidien anglais le London Evening News. Cette adaptation était plus destinée à un public “adulte”. Les premières histoires donnent à penser que Tove les improvisait, elles sont excentriques et foisonnantes, les détails graphiques fourmillent dans et entre les cases. C’est aussi dans ce volume que Moomin, orphelin, retrouve ses parents qui l’avaient abandonné pour partir à l’aventure et que Moomin tombe amoureux de Mlle Snork. C’est à la fois cruel et adorable. Tove y expose les travers humains, la jalousie, l’avarice, la gourmandise, etc. avec humour et elle interroge les enjeux de notre civilisation comme le consumérisme ou l’écologie. En ce sens le discours est actuel et universel.
Est-ce que les Moomins ont changé depuis que Lars Jansson, le frère de la créatrice Tove Jansson, a repris les pinceaux à sa place à la fin des années '50 ?
S.D. : Les Moomins ont bien sûr changé depuis leurs créations au milieu des années 40, mais comme Spirou, en 2014 est assez éloigné de celui créé dans l’entre-deux-guerres. Certains connaissent les Moomins principalement à travers les romans de jeunesse, d’autres uniquement à travers les dessins animés japonais qui n’ont, à mon sens, pas le charme mystérieux de la création originale.
Quoi qu’il en soit nous espérons que cette exposition aidera à la fois à mieux faire connaitre l’œuvre et à concilier tous ces publics qui aiment les Moomins pour différentes raisons, et bien sûr à convertir de nouveaux adeptes.
Toutes les infos sur l'exposition « Le Monde Magique des Moomins » ici.
Et retrouvez les expositions du 42e Festival d'Angoulême.