Alex Barbier

Avec dernière bande, paru à l'été 2014, l'auteur français Alex Barbier, révélé dès les années 70 dans Charlie mensuel, publie un ultime livre. Entre peinture et bande dessinée, une exposition salue 35 ans de création radicale en couleur directe.

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Né en 1950, Alex Barbier est un auteur rare. Il a publié, depuis la fin des années 1970, une dizaine de livres de bande dessinée qui questionnent avec énergie les conventions et les outils couramment liés au genre. Barbier introduit dès ses débuts une technique picturale étonnante, qui donne à son travail un aspect singulier et immédiatement reconnaissable ; il est l’un des tout premiers auteurs à avoir mis la picturalité au service de la narration, et développe en bande dessinée un style qu’il appelle « ligne brouillée », où se mêlent à la fois figuration et abstraction. Barbier utilise pour ses livres des encres de couleurs et un puissant liquide correcteur blanc, qu’il ajoute à même la couleur, obtenant par soustraction une teinte ambiguë et un rendu d’une étrange beauté.

L’exposition présente une centaine d’originaux extraits de divers livres de l’auteur (Comme un poulet sans tête, Lettres au maire de V., Le Dieu du 12...), et plusieurs tableaux réalisés par Barbier. Elle a pour fil conducteur Dernière Bande, son dernier titre – à la fois son livre sorti le plus récemment et le dernier que publiera l’auteur, qui souhaite désormais poursuivre son activité de peintre sans plus s’occuper de bande dessinée. Dernière Bande reprend des thèmes présents dans les autres livres de Barbier, et l’histoire se déroule en partie dans le casino de V., un endroit important pour l’auteur qui apparaissait déjà dans Les Paysages de la Nuit et Comme un poulet sans tête. Il s’agit en réalité d’un casino abandonné situé dans la ville de V., non loin du village de Fillols, dans les Pyrénées-Orientales, où l’auteur réside depuis de nombreuses années et où il a organisé depuis le milieu des années 1990 une dizaine d’éditions du BD Ploucs Festival. Autorisé à photographier de l’intérieur ce lieu désaffecté, Barbier en a fait un objet de fantasmes puissants, le théâtre de toutes sortes d’événements imaginaires. L’exposition sera en partie consacrée au casino de V., mais aussi au village de Fillols et aux créatures monstrueuses qui peuplent les livres de Barbier – des loups-garous et des vampires, mais aussi des créatures extra-terrestres farfelues qui ont pris le pouvoir et exercent leur domination sur l’homme. Le parcours reviendra également sur l’un des thèmes importants de l’œuvre : la tension sexuelle latente que cherche à représenter l’auteur. «Il y a dans le travail de Barbier un flou, une abstraction qui amènent une tension narrative puissante, note Thierry Van Hasselt, commissaire de l’exposition et éditeur de Barbier aux éditions Fremok depuis le début des années 2000. Cette “ ligne brouillée ” traduit une multiplicité de questionnements d’ordre sexuel qui ramènent à l’enfance. Dans Dernière Bande, plusieurs classiques de la bande dessinée franco-belge sont détournés en ce sens, et l’auteur note le lien direct et évident de la bande dessinée avec l’éveil à la sexualité. » À la fin du livre, le narrateur sort du casino et constate qu’il est seul au monde. Une manière assez drôle pour l’auteur, peut-être, de saluer avant de quitter la scène pour s’en retourner à la peinture.

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Exposition Alex Barbier
Hôtel Saint Simon, rue de la Cloche verte Production: 9eArt+ •
Commissariat: Thierry Van Hasselt •
Textes de l'exposition : Lorane Marois