Mezzo en noir et blues

Inspirée par la figure inaltérable du bluesman et notamment du plus mythique d'entre eux, Robert Johnson, une exposition évoque l'imaginaire chargé de la «musique du diable », avec aux pinceaux mezzo et quelques comparses tout aussi inspirés.

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© Mezzo-Dupont-Glenat

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Interprète habité d’une esthétique de l’Amérique populaire qui doit autant à l’imagerie de la musique qu’à celle du cinéma (se rapporter notamment à sa trilogie Le Roi des mouches cosignée avec le scénariste Michel Pirus, plusieurs fois en Sélection officielle au Festival d’Angoulême), Mezzo vient de donner une nouvelle incarnation à cette inspiration récurrente avec le remarqué Love in Vain paru chez Glénat. Avec la complicité du scénariste Jean-Michel Dupont, ancienne plume de la presse musicale, il y retrace le parcours météorique de Robert Johnson, génie du blues que sa vie dissolue, sa disparition tragique et le prétendu pacte qu’il aurait conclu avec le diable pour nourrir son inspiration musicale ont consacré comme une figure centrale des mythologies contemporaines, à la fois icône et anti-héros. Portrait poignant d’un artiste littéralement possédé par sa musique, ce biopic graphique d’une grande exigence peut aussi se lire comme une plongée dans le Mississippi ségrégationniste des années 1930, que l’on dirait façonnée à même les humeurs, les odeurs et les sons de ce monde cruel et pourtant vibrant d’une irrésistible pulsion de vie. Présentée au théâtre d’Angoulême, dont elle habillera plusieurs des espaces d’agrandissements aux couleurs du blues, une exposition prolonge ce travail éditorial. Une partie importante des images de Love in Vain y sont reprises, mises en perspective et contextualisées, grâce à des éclairages et commentaires biographiques, musicolo- giques ou sociologiques signés de Jean-Michel Dupont. Il en profite au passage pour dévoiler aux visiteurs de l’exposition une partie des coulisses de la gestation de l’album.

À l’appui de cette exploration du travail de Mezzo, l’exposition présente par ailleurs une sélection d’images de trois auteurs tout aussi passionnément inspirés par le blues et son histoire. Frantz Duchazeau, dont le trait charbonneux et la dimension poétique ont été très remarqués en 2008 lors de la parution du Rêve de Meteor Slim, a ensuite consacré plusieurs albums souvent très personnels à l’univers du blues et de la musique populaire américaine (Lomax collecteurs de folk songs chez Dargaud, Blackface Banjo chez Sarbacane).

Passionné lui aussi par l’Amérique, Steve Cuzor a de son côté proposé une peinture réaliste et fouillée du sud des États-Unis à l’époque de l’essor du blues dans sa trilogie O’Boys (Dargaud), dont l’un des principaux personnages est un bluesman vagabond. Enfin, on ne saurait aborder les représentations en images du blues, quintessence de la musique noire américaine, sans évoquer le travail de l’incontournable Robert Crumb, archiviste inlassable des musiques populaires du XXe siècle et figure majeure de la bande dessinée mondiale, dont de nombreux dessins (pour la plupart publiés en France chez Cornélius) témoi- gnent d’une attention de toujours portée au blues et à ses interprètes de légende. Autant de témoignages de l’inaltérable vitalité artistique et esthétique du blues et de son berceau d’origine, le Sud américain, dont l’empreinte, au-delà de la seule musique, continue à inspirer bien des créateurs d’aujourd’hui.
 

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Exposition Le Démon du blues
Théâtre d’Angoulême, place New York.
Production : 9eArt+ •
Commissariat : Nicolas Finet, avec Jean-Michel Dupont •
Scénographie: Bruno Pujat