Mafalda, une petite fille de 50 ans
Symbole d’anticonformisme pour plusieurs générations de lecteurs et héroïne de l’un des strips les plus célèbres au monde, la petite Mafalda célèbre ses cinquante ans à Angoulême en présence de son créateur, Quino.
L’édition 2014 du Festival international de la bande dessinée est l’occasion de fêter un double anniversaire : les 60 ans de carrière, en sa présence, d’un très grand auteur argentin, Quino, et le 50e anniversaire de son héroïne la plus fameuse, Mafalda, célébrité mondiale de la bande dessinée. Né en 1932, Joaquin Salvador Lavado, dit Quino, a créé en 1964 ce personnage de petite fille attachante, curieuse et incrédule, qui très vite connaîtra un succès aussi durable qu’international – en dépit pourtant d’une carrière relativement courte, puisque la série n’a été publiée dans la presse argentine que pendant neuf ans, jusqu’en juin 1973, une séquence plutôt brève pour un strip de cette nature.
Avec une dimension poétique demeurée intacte malgré le passage des années, la petite fille au noeud dans les cheveux n’a rien perdu non plus de sa charge moderne et subversive : elle continue, aux yeux de lecteurs de tous âges, de toutes conditions et de tous pays, à symboliser une résistance lucide, irréductible et universelle face aux propos lénifiants et aux idées reçues. Sous les apparences d’un humour efficace et immédiatement accessible, ses aventures n’ont de cesse de dénoncer le populisme, le conservatisme et le malaise d’un monde qui semblait être déjà au plus mal dans les années 60. Comme dans les Peanuts de Charles Schulz nés une quinzaine d’années plus tôt, auxquels on a souvent comparé la série de Quino, les personnages réunis autour de l’héroïne fonctionnent comme les composantes antagonistes d’un ensemble équilibré, aux contours familiers, où l’on discute et réfléchit avec Mafalda – la seule pourtant de tous les personnages, ses parents inclus, à ne jamais s’en laisser compter et à toujours refuser le monde tel qu’il est benoîtement présenté.
Conçue pour tous les publics, l’exposition du Festival qui célèbre les aventures de la petite fille et de ses amis a pour décor les différentes pièces de l’appartement où vivent Mafalda et ses parents. Le salon, la cuisine ou la chambre de l’héroïne sont les lieux de multiples débats autour de l’écologie, la condition féminine, les Beatles ou encore la situation politique incertaine de l’Argentine et la menace de la dictature. Tout au long de cette oeuvre en effet, le travail de Quino est resté profondément lié à l’histoire et au devenir de son pays. Autour d’une centaine de reproductions de strips originaux, une rue argentine typique des années 60 est reconstituée au sein du parcours. La scénographie, souvent inspirée de motifs et de couleurs présents dans la série, comprend également de nombreux objets en volume, reproduits à hauteur d’enfant tels qu’ils sont figurés dans la bande dessinée. Le dispositif de l’exposition, enfin, se complète d’extraits de dessins animés inspirés par le personnage et l’univers de Mafalda.
Une manière pour le Festival de saluer avec un profond respect Quino, venu spécialement à Angoulême pour l’occasion, et de rendre l’hommage qu’elle mérite à une oeuvre traduite en vingt langues et vendue à plusieurs millions d’exemplaires dans le monde – dont près de deux millions en France. Une oeuvre qui fut très tôt saluée par Julio Cortázar ou Gabriel García Márquez, et à propos de laquelle Umberto Eco écrivait dès 1968 : « Personne n’a jamais nié que la bande dessinée soit (…) un révélateur des moeurs. (…) Puisque nos fils vont devenir – de notre fait – autant de Mafalda, la plus élémentaire prudence veut que nous traitions Mafalda avec le respect dû à un personnage réel. »
Exposition Mafalda, une petite fille de 50 ans
Espace Franquin, salle Iribe, 1, boulevard Berthelot • du jeudi 30 janvier au dimanche 2 février 2014, 10 h/19 h
Production : 9eArt+ • Commissariat : Ivan Giovannucci • Scénographie : MADesigners
L'exposition est visible à Angoulême jusqu'au 28 février 2014, du lundi au vendredi, de 13h à 17h.