Willem, ça c’est de la bande dessinée !

Graphiste exceptionnel et auteur d’une exigence rare, Willem s’est vu décerner le Grand Prix du Festival en janvier 2013. De la presse à l’édition, une exposition monographique de plus de 150 originaux revient sur l’ensemble de son parcours.

Ambassade du royaume des Pays-Bas
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© Willem

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Auteur de bande dessinée, dessinateur de presse, chroniqueur, reporter au long cours, Willem compose depuis près de 50 ans une oeuvre aussi politique que prolifique. Une exposition rétrospective de plus de 150 originaux salue le talent tous terrains de cet artiste incisif, radical et protéiforme.
Le versant sinon le plus connu, en tout cas le plus visible de son travail, est celui dont sont familiers les lecteurs du quotidien Libération, où Bernhard Willem Holtrop alias Willem signe sans discontinuer d’innombrables dessins de presse depuis 1981. Mais il ne faudrait pas pour autant méconnaître l’importance de son oeuvre en bande dessinée, considérable – celle précisément à laquelle le Festival a souhaité rendre hommage en lui décernant son Grand Prix en janvier dernier.
 

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© Willem

Né aux Pays-Bas en 1941 et installé en France depuis 1968, Willem aligne une bibliographie de quelque 70 titres, soit des milliers de planches dessinées depuis les années 1960. Ses bandes dessinées, en noir et blanc et en couleur, des histoires courtes pour la plupart, ont surtout été publiées par l’édition indépendante (Les Éditions du Square, Futuropolis, Cornélius, Éditions Les Requins Marteaux, L’Association, Les Échappés…). D’une grande variété, elles questionnent les convulsions de l’histoire passée et présente tout comme le dérèglement des corps, tour à tour élastiques, liquides, précipités dans des guerres et des orgies sanglantes. Solidement enraciné dans la satire, Willem moque avec gravité le grotesque de ses personnages, et si son travail, teinté d’humour et de désenchantement, penchant parfois du côté de l’érotisme et de la scatologie, peut apparaître provocateur et dérangeant, il n’en privilégie pas moins avec constance, à rebours de la vulgarité, la juste distance vis-à-vis de son sujet.
Conjuguée à une curiosité qu’excitent les pays plus ou moins lointains, cette distance se vérifie au fil de ses voyages réitérés. Promeneur impénitent, Willem a ramené plusieurs carnets de dessins de ses séjours dans les Pays baltes, en Europe de l’Est, en Côte d’Ivoire ou en Chine, tout comme il couvre chaque année en images le Festival d’Avignon. Paysages, silhouettes, choses vues et réflexions glanées ici et là s’y entremêlent, et font de ses pérégrinations de formidables reportages dessinés.

 

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© LeGoff & Gabarra

Grand collectionneur d’images, Willem juxtapose dans certains de ses livres des centaines de dessins réalisés d’après photos, classés par thème ou par époque, qui recomposent sur de grandes pages de troublants imagiers. Cette passion pour l’accumulation d’images résonne avec le corpus vertigineux de la Revue de presse que l’auteur tient chaque semaine (elle s’est aussi appelée Chez les esthètes et Images). Une « somme maniaque où s’enchaînent, sur la même ligne, le signe amical au talent méconnu ou au talent prometteur et le pied douloureux du surfait, écrasé en passant. Tout le grouillement intellectuel de la planète est reproduit là : microcosme en collages, compilation boulimique, table d’écoute du monde… », écrivait déjà Gébé à son propos en 1983.
Fanzines, livres, expositions, films, futurs classiques, oeuvres patrimoniales et underground, rien de ce qui s’est fait au cours de ces 45 dernières années dans l’univers de la création en images ne semble avoir échappé à l’oeil avisé de Willem, lecteur insatiable et intuitif qui ne s’arrête jamais à l’origine ou à la langue de ce qu’il regarde, et reste assurément l’un des critiques de bande dessinée les plus pointus d’aujourd’hui. Son graphisme acéré enfin, immédiatement reconnaissable, joue évidemment un rôle majeur dans une oeuvre inclassable, ponctué d’erreurs de syntaxe et d’orthographe aussi légères qu’amusées, qui confèrent à la langue de ce libre penseur et chroniqueur de haut vol une liberté et un charme irrésistibles.

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© Atelier populaire neerlandais

Atelier populaire néerlandais

Dans le prolongement de l’exposition consacrée à Willem, un atelier composé d’auteurs néerlandais sera installé au sous-sol de l’Espace Franquin. Sous la férule du grand Joost Swarte, une vingtaine de jeunes auteurs se relayeront pendant toute la durée du Festival pour imprimer en sérigraphie des affiches qui reviendront sur les temps forts de l’actualité. Plusieurs affiches seront ainsi imprimées chaque jour, puis collées dans toute la ville d’Angoulême et régulièrement remplacées, rappelant l’importance du dessin et le caractère éphémère de l’affichage sauvage dans les années 1960-1970. Avec le soutien de l’Ambassade du Royaume des Pays Bas.
labedeestdanslarue.com
 

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Exposition Willem, ça c’est de la bande dessinée !
Hôtel Saint Simon, rue de la Cloche verte • du jeudi 30 janvier au dimanche 2 février 2014, 10 h/19 h.
Production : 9eArt+ • Commissariat : Jean-Pierre Faur • Scénographie : Dominique Clergerie
Textes de l'exposition : Willem et Jean-Pierre Faur