Challenge Digital : les lauréats 2017 en parlent
Le mercredi 19 juillet 2017 à 10h03
Chaque année, le Festival propose aux jeunes créateurs de participer au Challenge Digital. L’occasion pour eux de faire connaître leur talent et leurs univers, et d’inventer de nouvelles narrations. Retour d’expérience des dix sélectionnés de cette année.
Beaucoup de lauréats ont participé au Challenge Digital avec des projets déjà existants. « On était en train de travailler sur une BD numérique Un monde en pièces », expliquent Gaspard & Ulysse Gry, « on est tombés sur ce concours, et on s'est dit que ça correspondait vraiment à notre projet. On était aussi curieux de découvrir ce que les autres faisaient sur ce support qui est encore assez nouveau en France, assez peu connu. » Idem chez Camille Prieur et Vincent Malgras : « On avait travaillé sur le thème de la BD numérique aux Arts Déco de Paris pendant un an pour notre projet de diplôme. On a donc fait concourir notre BD L'Odyssée 2.0 qui a été réalisée dans ce cadre. »
Ou pour Antoine Maillard : « Le projet proposé Roaxaca Zone est un de mes projets de diplôme de la HEAR ( les arts décoratifs de Strasbourg) dans l'atelier d'illustration. Pour le diplôme, les animations en GIF étaient plus rudimentaires et la version finale m'a pris beaucoup de temps. Le concours était un peu ma carotte pour ne pas abandonner. »
Mais ont également proposé des créations originales, ont trouvé dans le défi technique une pulsion créatrice. « J'avais besoin d'un projet qui pouvait me permettre de mettre en mots les angoisses que je ressentais à cette époque », détaille Guimero. « Je venais de retourner de Lyon à Turin dans ma petite chambre et il me fallait travailler sur quelque chose. »
« Étant développeur des solutions techniques utilisées par trois auteurs qui se sont présentés, ma participation était implicite », explique Batraf. « Pour le turbomédia de L’immeuble, c’est parti d’une suite de questions de Vidu qui commençaient par « C’est possible de… », et à force de lui dire « oui, c’est techniquement possible », on a créé ensemble ce turbomédia. Pour celui intitulé Le fruit de l’auteure ClemKle, j’ai travaillé dessus depuis le Story-board donc j’ai fait un travail de co-auteur en plus de celui de développeur. »
« Plutôt que terminer cette BD Vertical Mall seul dans mon coin, je me suis dit que la présence d'une deadline et le fait qu'elle serait lue par un plus grand nombre de gens était beaucoup plus motivant, explique Tom Cochien. Cela m'a permis, sous la pression, de réaliser quelque chose de plus travaillé. »
Même raisonnement chez Vidu: « Ce concours, c’est une occasion en or de se dépasser, quand on est un artiste indépendant. Avoir un objectif, une deadline, la pression due au concours... Tous ces éléments entrent en jeu et donnent la force de se mettre au travail la nuit, après une journée de boulot. Je trouve ça hyper important d'avoir des caps clairs pour savoir où je vais et me donner les moyens de réaliser ce que je veux. Et en ce sens, avant même de savoir les résultats, ce concours m'a apporté tellement. D'ailleurs, je pourrais tenir exactement le même discours avec l'Open Workshop, ou j'ai échoué, mais qui a été un moteur incroyable dans ma vie. »
L’histoire racontée aurait-elle pu exister avec la même force sur un format plus traditionnel ?
Gaspard Gry : « Avec le recul, les scrolls infinis ou les gifs nous ont permis d'ajouter à l'ambiance. Et ce format a peu à peu permis à Ulysse de s'affranchir des contraintes traditionnelles et de proposer un dessin plus libre et original. Cependant, nous travaillons également à une version papier, en réadaptant certains formats, car nous pensons que ces deux types de supports ne s'opposent pas, mais sont complémentaires. »
Lydie Monrolin : « On aurait pu retrouver les mêmes émotions sur un format papier plus traditionnel. Mais le fait est que vu que mon histoire Les vacances de Space Jack se passe sur la lune, avoir tous les éléments du décor qui bougent en permanence, ça contribue à cette ambiance bizarroïde interstellaire. Le manque de gravité est plus facile à exprimer quand on peut littéralement faire flotter des arbres avec des petites animations numériques. »
Guimero : « J'ai des idées de comment j'aurais pu le faire en format traditionnel, mais il y a des cases qui n'auraient jamais fonctionné sans animation. » (Little dans les nuages).
Tom Cochien : « Non. J'ai envisagé l'histoire, les plans, certains détails, sous format numérique. Par exemple la lecture de bas en haut qui, associée au scrolling des ordinateurs contemporains, ajoute à l'impression d'ascension et donc à l'immersion du lecteur. Là est pour moi tout l'intérêt de faire une BD numérique : l'interactivité et la possibilité d'ajouter des éléments extérieurs à l'image. Je travaille depuis un petit moment sur les moyens d'intégrer de la musique dans une BD, et le format numérique est le plus souple pour arriver à cela. »
Antoine Maillard : « Non je ne pense pas. Le récit aurait pu être plus dense et plus narratif, car moins chronophage à réaliser (l'animation des GIF est très longue). Après c'est un système qui aurait pu aussi avoir une pertinence en collaboration, mais la chose aurait été moins intéressante. »
Vidu : « Absolument pas. Et honnêtement, si ça avait été le cas, j'aurais considéré avoir échoué.
La bande dessinée numérique est un medium fabuleux, où tout reste à découvrir, et qui se doit de s'affranchir (au moins dans un premier temps) des liens qu'elle entretient avec sa grande sœur traditionnelle. »
Camille Prieur & Vincent Malgras : « Impossible ! L'histoire a été conçue exclusivement pour un support numérique. Elle n'est pas transposable sur papier et c'est plutôt un point positif pour nous. »
ClemKle : « J’ai pris le problème à l’envers ! Une histoire auto-biographique humoristique, comme on a l’habitude d’en voir sur des BD papier, peut-elle prendre plus de force sur un format numérique ? J’ai pris le parti de raconter des histoires sur écrans, en m’inspirant des codes de la BD, mais en saisissant chaque opportunité offertes par le support (animation, liens hypertextes, etc) pour appuyer la narration.»
Qu’est-ce que vous espériez de cette participation? Qu’est-ce que cela vous a apporté ?
Gaspard et Ulysse Gry : « Avoir la chance de pouvoir être exposé à Angoulême et donner une visibilité à notre projet, pouvoir rencontrer d'autres auteurs de bd numérique et échanger avec eux, mais aussi faire parler de la BD numérique qui a besoin de concours comme celui-ci pour se faire connaître. Cela nous a permis d'être relayés dans certains médias (France Inter), de participer à une conférence, de rencontrer d'autres auteurs, d'avoir un pass pour le festival et d'apercevoir Boulet à travers une vitre (mais on est pas sûrs). Pour l’avenir, nous espérons pouvoir trouver un éditeur afin de faire vivre ce projet. Nous sommes en train d'écrire la suite d'Un Monde en Pièces ! »
Antoine Maillard : « Je ne sais pas vraiment ce que j’en attendais. Découvrir une scène de la bande dessinée encore peu explorée peut-être. Le concours a le mérite de fédérer plein de formes différentes de récits numériques au même endroit. Grâce à lui, je crois avoir eu une visibilité plus grande qui dépasse l'école d'art et le milieu des créateurs de bande dessinée. »
Guimero : « Qu'elle me donne une raison de me remettre au travail et de venir à Angoulême. J'étais dans une période de relâchement depuis un certain temps. Le concours m'a permis de relancer la machine. »
Vidu : « J'espérais me prouver à moi-même que je pouvais innover et créer une expérience de lecture nouvelle. En prenant du recul sur la création finale, je pense que la forme a pris le pas sur le fond. Mais c'est pas grave, c'est une première pierre posée, pour amener de nouveaux formats, mais cette fois-ci, sans négliger de trop l'histoire et la transmission de sentiments forts. Après, cette énorme quantité de travail en peu de temps m'a permis de débloquer beaucoup de choses en dessin et en narration. Ensuite, après la publication sur le site web d'Angoulême, j'ai reçu de nombreux retours très positif, ça a été incroyable. C'est vraiment un énorme coup de pouce et un grand gain de confiance pour la suite. Cette participation m'a vraiment conforté dans l'idée que la Bande-Dessinée, et en particulier la Bande-Dessinée numérique, est un medium qui me convient totalement. Moi qui viens de l'animation, où les délais sont longs et fastidieux, c'est un véritable bonheur de pouvoir coucher presque instantanément sur le papier les idées qu'on a en tête et voir très rapidement apparaître le bout du tunnel. Qui plus est, l'apport de l'interactivité par la BD numérique est incroyable. L'idée de proposer une expérience unique pour chaque lecteur me fascine. »
Tom Cochien : « Je n'espérais rien. Cela m'a surtout donné un objectif pour finir la BD. Ça m’a apporté un petit peu plus d'expérience. J'ai été aidé par quelques amis pour le codage (dédicace à Random Pixel Order), ce qui m'a appris beaucoup et permis de faire quelque chose d'un peu plus propre. La réalisation m'a bien sûr apporté beaucoup de plaisir, et d'avantage quand j'ai eu des retours enthousiastes de différentes personnes. Après, chaque bande dessinée réalisée est meilleure que la précédente ; ça n'a pas de fin et c'est magique. L'expérience que j'ai acquise pour cette BD sera donc réinjectée dans mes créations futures. »
Batraf : « J’espérais faire connaître au plus grand nombre ce format, le turbomedia, montrer que celui-ci est évolutif et que tout est possible avec. Mais surtout, j’espère qu’à terme cela permettra de fédérer d’autres auteurs intéressés par ce format et qui veulent en faire. Au final, cela m’a permis de créer une base technique pour d’autres concepts de turbomedia basés sur le même principe que L’immeuble ; de travailler avec de supers auteurs, de les connaître, et de former une communauté autour du turbomedia. À l’avenir, j’espère ça me permettra de travailler avec des maisons d’éditions pour la création de BD numériques ou l’adaptation de BD papier en numérique. »
ClemKle : « J’espérais que notre travail, à BatRaf et moi, soit reconnu, ce qui fut le cas et j’en suis très heureuse. Nous travaillons tous les deux à plein temps, et créons sur notre temps libre des BD numériques avec passion ! Ce concours, c’est aussi ma manière de promouvoir le format de BD numérique appelé turbomédia, crée par Balak et popularisé par Malec. J'espère que la renommée du FIBD participera à ce que ce format soit davantage connu, et reconnu ! Tout comme TurboInteractive, la plateforme crée par BatRaf qui regroupe de nombreux turbomédias. Après, ça m’a apporté beaucoup de joie ! Je suis vraiment très heureuse que notre travail ait plu au jury. J’ai été aussi émue de voir que la borne installée au festival pour que les gens puissent lire Comme le fruit. Ce n’est pas rien d’être exposé à Angoulême ! Ça me donne l’envie de continuer, de m’améliorer ! »
Lydie Monrolin : « Au minimum un mail qui m'annoncerait que je n'avais pas été sélectionnée, au mieux cette sélection dont je fais partie qui m'a collé un sourire permanent sur le visage toute la journée. Ensuite, ça m'a permis de venir à Angoulême cette année en allégeant un peu mon budget, j'ai pu rencontrer de chouettes personnes et découvrir leur travail sur place pour ceux que dont je n'avais rien vu en ligne encore sur la plate-forme du concours. C'était un vrai plaisir de pouvoir échanger avec de jeunes auteurs comme moi et certains des membres du jury. En plus il y avait de la bière gratuite. »
Camille Prieur et Vincent Malgras : « On espérait que cela nous serve de coup de pouce dans le monde professionnel. Que cela va nous ouvrir des portes dans le domaine du numérique et de la BD. On espère vraiment participer à l'essor de la BD numérique et contribuer à son développement en France ou ailleurs. On a un projet sous le bras qui se rapproche d'un format de série avec des épisodes et on cherche actuellement un cadre professionnel pour le réaliser. »
Pensez-vous continuer à expérimenter avec des BD numériques ?
Guimero : « Oui, bien sûr. Surtout après avoir vu ce que les autres ont fait. Quand je me suis lancé dans le concours, je me suis juste mis à faire une petite BD sans grandes ambitions et maintenant que j'ai eu une claque visuelle et surtout auditive, je sais quelles sont les possibilités dans la BD numérique. Et dans le futur je me mettrai vraiment à fond. »
Antoine Maillard : « Le GIF animé m'intéresse beaucoup, le jeu vidéo indé et narratif aussi. Je n'ai pas d'idée de récit pour le moment, mais je réfléchis à peut-être créer des contenus complémentaires aux livres de bande dessinée. Si j'ai le temps et les moyens, je voudrais par exemple faire une forme animée courte qui viendrait accompagner mon livre en cours (si je le termine un jour). Une bande-annonce animée ou un récit annexe en GIF animé numérique. C'est encore flou. »
Batraf : « Oui, bien sûr. Je travaille déjà avec Balak sur un projet Top Secret (mais shuuuut). Et je suis toujours ouvert pour travailler sur une réalisation technique nouvelle si on m’en propose une. »
Lydie Monrolin : « Oui clairement, de toute façon créer des trucs bizarres sur photoshop vers 4 heures du matin c'est ma routine préférée. »
Tom Cochien : « Je travaille en ce moment sur deux projets, en collaboration avec d'autres personnes. Il y a encore beaucoup à faire avec la BD numérique, l'informatique se développant relativement vite à l'échelle de l'Univers. La transmédialité m'intéresse beaucoup, et la BD numérique est un moyen de l'expérimenter. »
Vidu : « Le medium est encore jeune et tout reste à y inventer ! C'est fantastique, cette sensation est simplement incroyable ! Chez Turbointeractive, avec ClemKle, Forky, Batraf et Geoffo, on discute beaucoup du media et de ses évolutions possibles. La communauté du numérique est en train de se réunir (par l'initiative de Cepcam, notamment) et si je pouvais me téléporter dans le futur, je le ferais sans hésiter pour lire toutes les BD numériques qui vont voir le jour. »
Vous pouvez consulter ici les œuvres finalistes du Challenge Digital 2017
Les interviews des lauréats 2017
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