Interview de Pozla lauréat du Fauve Prix Spécial du Jury 2016

Le lundi 26 septembre 2016 à 16h05

Entretien avec Pozla, le lauréat du Fauve Prix Spécial du Jury au Festival d'Angoulême 2016, pour « Carnet de santé foireuse » la réécriture graphique puissante et poétique d’un combat contre la maladie.

×

Cette année, le Fauve Prix Spécial du Jury a été remporté par une œuvre touchante, le carnet de bord d'une maladie réalisé sur le vif par Pozla, auteur de BD, animateur et grapheur, créateur de Monkey Bizness. Il nous en dit plus sur cet album intime qui, d'après les mots de l'auteur, représente « un passage douloureux de ma vie certes, mais que j'ai partagé en y insufflant un brin d'humour et de poésie. » Carnet de santé foireuse a été publié chez Délcourt.

×

Vous avez affirmé qu'à travers ce travail vous avez pu “retranscrire graphiquement des sensations physiques et psychiques sur lesquelles vous ne pouvez pas poser des mots”. Y a-t-il des planches qui vous sont plus chères ou d'autres qui vous surprennent encore aujourd'hui ? Qu'est-ce que représente ce “carnet” maintenant ?
Pozla : Effectivement, tous les dessins ayant été faits sur le vif restent très importants à mes yeux, car ils sont le résultat d'une impulsion gratuite et directe de ces moments de souffrance. Mais honnêtement, je n'ai pas encore réussi à relire ce livre jusqu'au bout. Et ce carnet représente le passé : un passage douloureux de ma vie certes, mais que j'ai partagé en y insufflant un brin d'humour et de poésie. J'ai, en quelque sorte, réécrit mon histoire.

À quel moment vous vous êtes dit que ça pouvait devenir un album de bande dessinée ? Avez-vous des œuvres en tête qui ont pu vous inspirer ? Quel traitement avez-vous réservé à l'humour noir, y a-t-il des choses que vous n’avez pas osé mettre ?
Pozla : J'ai commencé à penser à en faire quelque chose lorsque le corps médical y a porté de l'intérêt. Cela a été un déclic. Je me suis rendu compte du peu de témoignages existants sur le vécu intime des malades. Le dessin permettait de faire passer beaucoup de choses de manière universelle. Je n'avais pas spécialement d’œuvres en référence, à part Pilules Bleues de Frederik Peeters, que j'avais lu il y a quelques années. Je m'engageais naturellement sur quelque chose de radicalement différent, autant sur la forme que sur le fond, puisque non seulement j'étais auteur ET  malade, et que tout partait de mon carnet de bord.
Ensuite, il y a eu quelques livres que je n'ai pas voulu lire avant la fin de mon bouquin, comme Journal d'un corps de Daniel Pennac (et illustré par Larcenet, grosse pression) ou Quand vous pensiez que j'étais mort de Mathieu Blanchin. Et bien je suis très content d'avoir attendu !
Je n'ai pas vraiment contrôlé l'humour que j'ai injecté dans le livre, c'est venu tout seul, comme les moments plus poétiques ou plus chialants d'ailleurs, j'ai vraiment laissé faire le récit. Mais à la base, j'ai plutôt tendance à utiliser la dérision, sans barrière de préférence.
J'ai dû malgré tout faire certains choix, comme me retenir d'être plus militant concernant l'alimentation, ou pour d'autres sujets, parce que j'avais déjà largement dépassé le nombre de pages prévues !

×

© Pozla/Editions Délcourt

×

C'est un livre intime qui touche beaucoup les lecteurs. Avez-vous eu des retours qui vous ont touché à votre tour ?
Pozla : Hoooooooo oui ! Plein. Les retours sont très très touchants. Des retours de malades s'étant retrouvés dans mon histoire,  pouvant mettre des mots sur leur parcours et communiquer avec leurs proches et leurs médecins. Mais aussi beaucoup de médecins qui ont découvert sous un angle nouveau ce qu'on peut vivre dans les méandres de l’hôpital et de la maladie. Chaque séance de dédicaces est l'occasion d'échanges très riches. J'ai quelque part brisé une barrière en dévoilant mon intimité, et lorsque les gens se sont retrouvés dans le récit, de près ou de loin, ils se livrent à leur tour en toute confiance. Ça libère la parole de manière fulgurante. C'est assez troublant parfois, on rentre tout de suite dans le vif du sujet, dans l'intimité. Souvent avec humour, parfois avec les yeux mouillés.

Comment avez-vous réagi après l'annonce du Fauve Prix Spécial du Jury au Festival d'Angoulême ?
Pozla : J'ai été très touché par ce prix. C'était très étrange, j'ai vécu toute cette histoire dans l'indifférence générale, et une fois racontée, je suis applaudi des deux mains, on me colle un prix et pas n'importe lequel, reconnaissance maximale! Le grand écart total, quoi. 
Bon, après ça n'a pas changé grand-chose non plus, mais sur le moment, j'étais très ému.

Quels sont vos projets actuels ?
Pozla : Je suis en ce moment en train de finir le dernier tome de Monkey Bizness, qui sera plus volumineux que les deux précédents. Une histoire très copieuse, pleine de rebondissements. On est très content de cet album, et de la façon dont on clôt la trilogie. Mais je suis sur la dernière ligne droite pour livrer à temps, ce qui explique pourquoi j'ai mis autant de temps à répondre à cette interview ! Nous sommes aussi en train d'essayer de développer l'univers Monkey Bizness de façon différente, j'espère qu'on pourra vous en dire plus lors du festival d'Angoulême à venir!

Lire la chronique ou regarder la vidéo de la rencontre de l'auteur après la Remise du Prix au FIBD 2016

Découvrez ici le palmarès officiel du 43e Festival International de la Bande Dessinée
Ou lire les interviews liées au Palmarès 2016 
Richard McGuire, lauréat du Fauve d'Or « Ici »
Benoît Collombat et Étienne Davodeau, lauréats du Fauve Prix du public Cultura « Cher pays de notre enfance »
Pietro Scarnera, lauréat du Fauve Prix Révélation 201 « Une étoile tranquille »
Le collectif Mauvaise Foi, lauréats du Fauve Prix de la Bande Dessinée Alternative « Laurence 666 »