Entretien avec les créateurs de Laurence 666

Le mercredi 13 avril 2016 à 15h28

Le collectif Mauvaise Foi, animateurs de la revue Laurence 666, dont le numéro 5 a remporté le Prix de la Bande Dessinée Alternative, a répondu à nos questions.

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Une contrainte forte distingue Laurence 666 des fanzines que nous croisons habituellement : tous les auteurs participent –avec leur style et leurs préférences- à une même histoire proposée par les membres permanents du collectif. Pour ce numéro lauréat voici le synopsis : Une histoire d'amour entre un prince franc et une princesse slave sur fond de château assiégé et de combats sans pitié.
27 auteurs ont répondu à l’invitation de l’équipe : Hugo Charpentier, Manuel Lieffroy, Rémy Mattei, Chloé Fournier, Benjamin Baret, Nicolas Rolland, Philippine Henry, Pierre Dreyfus, Marthe Jung, Clément Relave, Jean-Michel Nicollet, Olivier Rinckel, Gaelle Loth, Clémence Bouchereau, Olivier Bonhomme, Emre Orhun, Daniel Amdemichael, Félicité Landrivon, Lia Vé, Hicham Amrani, Christophe Fournier, Mathieu Zanellato, Darshan Fernando, Steven Marcato, Geoffroy Monde, Nils Bertho et Adrien Demont.

Nous vous proposons d’en savoir plus avec ces quelques questions.

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Comment est-elle née cette revue ? Comment vous vous êtes rencontrés ?
Mauvaise Foi : Le collectif Mauvaise Foi compte cinq membres permanents : Chloé Fournier, Rémy Mattei, Hugo Charpentier, Manuel Lieffroy et Benjamin Baret. On s'est rencontré à l'école Emile Cohl, à Lyon, on était dans la même promo et tous très intéressés par le monde de la micro-édition. Lors de notre dernière année d'étude, en 2012, nous nous sommes lancés et nous avons sorti le premier numéro de Laurence 666. A l'époque c'est un simple recueil d'illustrations et de bandes dessinées sans lien entre elles.
A partir du numéro 2 nous avons décidé d'imposer une unité dans la revue et avons mis en place cette idée qui donne son identité à Laurence 666 : Une seule et même histoire dessinée par plusieurs auteurs.
Concrètement, nous (les cinq membres du collectif) décidons d'un thème, d'une époque, d'un genre, écrivons une petite histoire et déroulons un fil narratif dans lequel chaque dessinateur se verra donné une place. Ainsi les auteurs à qui nous faisons appel se retrouvent avec un moment clé de l'aventure à mettre en image et tout leur talent consiste à respecter les contraintes narratives qui leur sont donné tout en laissant libre cours à leurs univers personnels.
Quand tout le monde a bien travaillé, on récupère et organise tout ça. Comme nous n'avons pas l'occasion de voir les planches avant la dead-line nous avons souvent des surprises et c'est cela qui donne son intérêt à cette expérience.

Le premier numéro de Laurence 666 en 2012 comptait la participation de 9 auteurs et était tiré en 66 exemplaires. Le dernier et 6e numéro est paru il y a quelques mois avec 22 auteurs impliqués et 500 exemplaires. Après 4 ans de travail, quelle est l'évolution de cette revue ?
Mauvaise Foi : Au fil des numéros, certaines choses ne changent pas : une histoire originale à chaque fois, une couverture sérigraphiée par nos soins et un noyau dur d'auteurs (nous même plus quelques camarades pour la plupart issus de la même école).
Pour le reste, nous essayons d'évoluer en permanence. D'abord sur la qualité de l'objet livre : Les deux premiers numéros ont été imprimés sur une imprimante de bureau et reliés à la main de manière totalement artisanale. A partir du numéro 3, nous avons commencé à travailler avec des imprimeurs professionnels pour les pages intérieures et pour les numéros 5 et 6 nous avons enfin pu intégrer de la couleur. Nous avançons petit à petit, chaque numéro s'enrichit des expériences faites dans les numéros précédents.
Nous essayons aussi de faire varier la façon de raconter, séquencer l'histoire. Par exemple, dans le numéro 5 qui raconte le siège d'un château fort au moyen-âge, nous avons alterné couleur et noir et blanc pour différencier deux histoires parallèles.
Les dessinateurs qui travaillent avec nous sont d'anciens camarades de classe, d'anciens profs, des amis ayant fait leurs classes dans d'autres écoles de France et de Navarre, des gens rencontrés en festival dont on aime le travail... L'idée c'est de confronter et mélanger les styles et les univers, des plus « classiques » aux plus « expérimentaux ». Ce qui est génial, c'est que les auteurs, voyant toute l'énergie et l'ardeur que l'on met dans la conception de chaque nouveau numéro, s'impliquent eux aussi de plus en plus dans leur travail, c'est très gratifiant.

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Quel est le numéro le plus réussi à votre avis ? Quelle serait la meilleure suite possible pour Laurence 666 ?
Mauvaise Foi : Chaque numéro a ses particularités et chaque lecteur régulier a son numéro préféré. Mais c'est vrai que nous sommes particulièrement fier du tout dernier. Jusqu'au prochain en tout cas, où nous allons continuer à mettre en avant le travail des gens que nous aimons, à expérimenter des choses avec la narration et à soigner la qualité du livre.

Quels sont vos univers de référence dans l'édition, l'illustration ou le graphisme ?
Mauvaise Foi : En fait, chaque membre du collectif a des références et des univers qui lui sont propre. On s'intéresse à beaucoup de choses différentes et on voit comment cela peut nourrir notre propre travail. On peut malgré tout citer une petite liste non-exhaustive de références dans l'édition qui mettent tout le monde d'accord et nous inspire par leurs fonctionnements ou leurs lignes éditoriales : Les Requins marteaux, Cornélius, Métal Hurlant, l'Association, l'Apocalypse, Psoriasis, Arbitraire, le Dernier Cri, Atrabile, Frémok, The Hoochie Coochie...

Comment avez-vous réagi à la récompense du Prix de la Bande Dessinée Alternative d'Angoulême ? Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Mauvaise Foi : Nous avons bien sûr été ravis d'obtenir ce prix à Angoulême. Ce genre de récompense, ça fait toujours du bien à l'égo et concrètement, cela nous motive plus que jamais à continuer à développer notre collectif, continuer Laurence 666 évidemment, mais aussi se lancer dans de nouveaux projets éditoriaux, bandes dessinées d'auteurs, livres sérigraphies, expérience graphique avec des musiciens, etc... Nous avons beaucoup de projets et ce prix, en nous apportant de la visibilité, nous aidera sans doute à les développer et à les faire aboutir.

Vous pouvez faire un tour sur le site internet des éditions Mauvaise Foi ou consulter quelques pages de ce numéro primé ici.
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